Dimanche 28 Avril 2024

Mali : Processus de paix : Faut-il encore négocier avec les terroristes et les groupes armés séparatistes ?

Cette question, nous l’avons posée à des responsables de la société civile et à un universitaire. Arguments et explications scientifiques à l’appui, ils dégagent des pistes de réponses pour éclairer la lanterne sur cette question devenue cruciale.

 À la fois symbolique et emblématique, l’entrée des Forces de défense et de sécurité (FDS) à Kidal, le 14 novembre dernier, est le couronnement de louables efforts entrepris depuis quelques années par les autorités politiques et militaires de notre pays. Face à la puissance de feu de l’armée, les forces séparato-terroristes, qui avaient fait de plusieurs pans du territoire leur sanctuaire, ont été, pour l’essentiel, défaites. Une page se tourne. Pour de nombreux observateurs, gagner la paix est désormais le défi qui reste à relever.

Au regard des derniers développements sur le terrain est-il toujours possible, voire nécessaire de tenter de négocier avec les terroristes ? Existe-t-il encore une chance de réconciliation avec les mouvements armés en rébellion contre l’État ? Ce sont là autant d’interrogations sur lesquelles opinent ci-dessous responsables de la société civile et universitaire.

La question d’engager le dialogue avec des chefs terroristes dont Iyad Ag Ghaly et Hamadoun Kouffa figure en bonne place dans les recommandations du Dialogue national inclusif (Dni) et des Assises nationales de la refondation (ANR). Les Maliens, dans leur majorité, sont d’autant fondés dans la logique d’explorer des voies pouvant mener à une paix durable qu’ils ont été meurtris par tant d’années d’insécurité. Ayant sans doute posé ce diagnostic, les membres du Collectif des ressortissants du Nord (Coren) entendent réengager leur organisation dans sa mission de creuset des forces de propositions des communautés locales et des expertises nationales en vue de renforcer le dialogue, la médiation et la négociation dans un contexte de crise multidimensionnelle au Mali.

La Coalition citoyenne de la société civile pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale (CCSC/PURN) a, dans son 8è rapport alternatif citoyen sur la crise multidimensionnelle au Mali publié il y a quelques semaines, noté que la seule option militaire n’a jamais abouti à une paix durable. Et d’insister que l’exemple de l’Afghanistan l’a prouvé plus récemment. Conformément aux recommandations des différents fora, propose le document, le dialogue avec les leaders de groupes armés se réclamant des valeurs d’unicité et d’intégrité du territoire malien est exigé. Qui plus est, l’organisation que préside l’ancien Premier ministre Ahmed Mohamed Ag Hamani, recommande la diligence de l’instauration formelle de ce dialogue et la désignation d’un Médiateur obéissant à des critères précis et un mode opératoire défini de commun accord avec l’État. Ce modérateur sera assisté d’un groupe d’érudits choisis en dehors des instances des institutions religieuses existantes et à l’exclusion des leaders religieux actuels.

NOUVELLES OPPORTUNITÉS- Pour l’enseignant-chercheur à la Faculté de droit public, Pr Fousseyni Doumbia, la tentative de négocier avec les terroristes Iyad et Kouffa est d’autant plus nécessaire, que l’évolution de la crise sécuritaire au Mali a démontré les insuffisances de la seule réponse militaire. Il importe donc pour l’État du Mali, poursuit l’universitaire, de s’ouvrir à de nouvelles opportunités de dialogue avec des communautés qui se sont engagées bon gré mal gré aux côtés des groupes armés terroristes.

«Ce dialogue doit se faire à la base afin d’éviter toute manipulation politico-partisane», suggère-t-il. Pr Fousseyni Doumbia rappelle qu’au cours de la période mars-avril 2017, la Conférence d’entente nationale (CEN) avait appelé au dialogue entre l’État du Mali et les groupes extrémistes. Et d’évoquer un hiatus : l’imam Mahmoud Dicko, qui était chargé à l’époque de mener ces bons offices, a été confronté à des divergences quant à l’option du dialogue à définir entre les «composantes» maliennes.

De plus, appuie notre interlocuteur, un sondage mené à Bamako et dans les autres capitales régionales par la Fondation Friedrich Ebert Stiftung en 2017, faisait état de 55,8% de Maliens favorables à l’ouverture d’un dialogue avec les groupes «djihadistes». Cette volonté de dialoguer avec les terroristes est même inscrite dans l’Agenda de la communauté internationale. À ce sujet, l’enseignant-chercheur se souvient que le secrétaire général de l’Onu avait déclaré au cours d’une interview accordée au quotidien français «Le Monde», en avril 2020, que le dialogue était possible avec certains groupes terroristes au Sahel. Mais, Antonio Guterres écartait l’hypothèse de toute discussion avec l’État islamique.

Conséquences ou causes de la détérioration de la situation sécuritaire, le processus de paix se trouve presque à l’arrêt en raison de nombreux écueils. À contrario, les autorités de la Transition se sont toujours inscrites dans une dynamique de dialogue avec nos compatriotes dont les projets ne porteraient pas atteinte à l’intégrité du territoire ainsi qu’à la forme laïque et républicaine de l’État. Manifestement, les groupes sécessionnistes, terroristes et leurs sponsors ne voyaient pas les choses ainsi. D’où la multiplication des entraves au processus de paix.  

La signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation les 15 mai 2015 et 20 juin 2015 à Bamako était pourtant censée permettre le retour de la paix et de la stabilité du pays. Face à la situation, la Coalition citoyenne de la société civile pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale recommande notamment la relecture indispensable de l’Accord.

L’orgnisation propose également de diligenter la mise en œuvre du découpage territorial et administratif en éliminant, entre autres, les aspects liés à la communautarisation et à l’ethnicisation, sources de conflits graves. Elle suggère d’accélérer et opérationnaliser une véritable armée nationale reconstituée et de procéder immédiatement au démantèlement total de tous les groupes armés et de toutes les milices d’autodéfense.

La grille de lecture de l’enseignant-chercheur sur cette question ne diffère pas fondamentalement de celle développée par la CCSC/Purn. Il note, en effet, que nombreux sont les observateurs à déplorer l’existence des points de blocage à la mise en œuvre de l’Accord. Ce qui se trouve être à l’origine de la reprise des hostilités entre les FAMa et les groupes indépendantistes. Ces points se résument, entre autres, au déficit de confiance entre les acteurs de la crise malienne, au leadership du gouvernement malien, à la faiblesse de la réactivité de la communauté internationale et la mise à disposition des moyens financiers en vue de la matérialisation des actions prioritaires de l’Accord.

C’est en cela, explique le juriste, que le Dni avait demandé la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger conformément aux dispositions de l’article 65 du même texte. Pour lui, la relecture de cet Accord s’impose pour ce qui concerne notamment les aspects institutionnels, politiques et éventuellement les aspects de défense et de sécurité dont certains sont les plus controversés. «La relecture de l’Accord devrait être envisagée avant d’entreprendre tout projet de réforme constitutionnelle», estime Pr Fousseyni Doumbia, indiquant que pourtant, les cadres du Dni et des ANR étaient idéalement des rencontres appropriées de s’accorder sur la relecture intelligente de l’Accord afin de lever les points de blocage à sa mise en œuvre.

En effet, analyse-t-il, le retard dans la matérialisation des dispositions de l’Accord, cristallise en partie la dégradation de la situation sécuritaire et affaiblit la détermination de mettre en place un système de sécurité plus efficace et plus professionnel. «Si l’on doit nécessairement tenir compte les revendications des mouvements armés signataires de l’Accord pour la stabilité du Mali, l’on ne doit pas tout de même perdre de vue les préoccupations légitimes des populations du Mali qui doivent être impérativement prises en compte dans la recherche des solutions définitives à la crise», clarifie le spécialiste. Avant d’ajouter que l’amélioration des conditions de vie des populations est très primordiale pour la paix et la réconciliation.

L’universitaire retient, en définitive, qu’autant dire que le dialogue entre l’État du Mali et les groupes indépendantistes reste perceptible dans le cadre d’un environnement favorable à la confiance et le respect mutuel. Mais aussi à la volonté et la bonne foi de parvenir à la relecture de l’Accord pour la paix dans le cadre d’une démarche inclusive et consensuelle, à la participation libre et équilibrée des différents protagonistes, etc.

Massa SIDIBE

Source : l’Essor

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