Samedi 21 Décembre 2024

Mali : Consommation de viande et de poisson : Du formol dans nos assiettes ?

Des indices trahissent l’utilisation de cet agent toxique par des vendeurs de produits de consommation sur nos marchés. Le danger est réel car l’ingestion du formol peut provoquer des étourdissements, des ulcères, des maladies cardiaques, des maladies de la peau, des insuffisances pulmonaires ou rénales

La rumeur se fait insistante, depuis des mois, le formol, également connu sous le nom de formaldéhyde, s’infiltrerait insidieusement dans nos assiettes. Ce produit servant notamment à embaumer les cadavres, serait utilisé par des bouchers et des vendeurs de poissons pour ralentir le processus de décomposition de leurs produits. Aussi, des vendeurs de fruits et de légumes y font recours pour faire murir ou donner un semblant de fraîcheur à leurs marchandises.

Comment détecter la présence du formol dans un aliment et s’en prémunir ? Dans des vidéos, des utilisateurs des réseaux sociaux ont révélé un indice qui trahit les bouchers et vendeurs de poissons peu scrupuleux : les mouches ne rôdent jamais autour de leurs produits, même exposés à l’air libre.

Au détour d’une course au marché de Kalaban, l’étal de Mohamed (nom d’emprunt) attire notre attention. Le jeune boucher a visiblement une astuce que ses collègues, envahis par les mouches, ignorent. Approché, il réfute naturellement l’usage d’une quelconque substance prohibée. Cependant, concède-t-il, il y a une «poudre qui permet d’éloigner les insectes».

Au quartier Golf, un autre boucher avoue l’utilisation de la même poudre, sans pourvoir nous donner son nom. Le produit, dit-il, est accessible auprès des vendeurs ambulants qui vendent les raticides et autres poisons destinés à tuer les insectes.

Tous les bouchers que nous avons rencontrés affirment avoir entendu parler du formol. Mais aucun n’a avoué qu’il l’utilise. Et même les services techniques compétents en la matière ont du mal à dissiper les doutes. À l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (Anssa), l’on dit également «avoir entendu que des bouchers utilisent le formol pour la conservation de la viande». Mais, pour la structure, «l’information reste officieuse car aucune étude à ce jour ne la prouve».

Une société de la place qui vend ce produit chimique, n’a pas voulu s’exprimer sur le profil de ses clients.

En revanche, Mamadou Cissé, ingénieur bio-chimiste à la retraite, confirme que beaucoup utilisent du formol pour conserver le poisson, le poulet et la viande. Mais également pour faire murir les légumes et fruits. Pour cet ingénieur, il est facile à savoir s’il est utilisé car on voit que les fruits sont mûrs à point mais les pépins restent verts. «Les tomates bien mûres aux pépins encore verts, les légumes aux feuilles fraîches malgré la chaleur, la viande qui n’attire aucune mouche sur les étals… sont quelques signes de la présence de formol», explique le retraité qui précise que le formol est un conservateur très efficace mais très dangereux.

PRÉOCCUPATION CROISSANTE- Les ménagères, elles, ont longtemps compris que des pratiques nouvelles peu orthodoxes sont adoptées par certains bouchers. «C’est avec le temps que j’ai compris qu’une substance est utilisée pour conserver la viande et peu importe le lieu où on achète», confie Mamy Cissé. Pour des raisons d’hygiène, cette mère de famille achète la viande dans un supermarché de la place. Elle se croyait à l’abri jusqu’au jour où elle a oublié, dans sa voiture et pendant des heures, une bonne quantité de viande. «Quand je suis rentrée à la maison, j’ai oublié de faire sortir la viande. Et le lendemain, j’ai été surprise de constater que la viande n’a ni changé d’odeur ni de couleur. Je l’ai retrouvée telle que je l’avais achetée la veille», raconte Mamy.

Mariam Diarra, elle, a été alertée par une vidéo sur Tiktok. Depuis, elle a dit à son aide-ménagère de «faire le tour du marché pour acheter la viande où il y a beaucoup de mouches». La mère de famille prend également toujours le soin de toujours tremper les légumes et fruits dans l’eau de charbon de bois ou, à défaut, dans l’eau de bicarbonate de soude.

Aïchata Doumbia aussi témoigne, dénonçant surtout l’impact des produits chimiques utilisés par les vendeurs. «L’autre jour, j’ai acheté du poisson qui avait l’air frais, mais une fois mis dans l’eau, tout s’est détaché. C’est ce qui arrive aussi avec les fruits et légumes. En moins d’une journée, ils se fanent ou sentent mauvais même s’ils sont gardés à l’air libre ou au réfrigérateur», explique-t-elle. La seule méthode que notre interlocutrice a trouvée pour que ces produits gardent un semblant de fraîcheur, c’est de les garder au congélateur.

Toujours est-il que l’utilisation abusive du formol dans l’industrie alimentaire suscite une préoccupation croissante dans notre sous-région. Selon un spécialiste en hygiène alimentaire, les poulets et croupions qui nous viennent de l’étranger sont injectés de formol. Le produit sert à gonfler, pour augmenter le volume ou le poids, des surgelés importés de l’étranger.

Or, cette substance chimique est classée comme cancérigène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle peut causer des problèmes de santé graves. Une étude publiée dans le Global Journal of Biology, Agriculture and Health Sciences précise que l’ingestion du formol peut provoquer des étourdissements, des ulcères, des maladies cardiaques, des maladies de la peau, des insuffisances pulmonaires ou rénales et beaucoup d’autres. Raison pour laquelle sa manipulation nécessite des protections adéquates : blouse, gants, lunettes de protection et hotte ventilée.

Selon le directeur général du Laboratoire central vétérinaire (LCV), Boubacar Madio dit Aladjogo Maïga, le formol est utilisé dans la production des vaccins morts (le pastovin, pastobov, clostrivac et anthravac). Il rentre aussi dans les opérations de désinfection des salles de laboratoire pour décontaminer celles-ci et éviter tout échappement des agents pathogènes vers l’environnement extérieur.  C’est dire que le formol représente un réel danger pour la santé publique.

Les services spécialisés dans la protection des consommateurs devraient davantage s’intéresser au sujet. En attendant, face à la menace, il est possible de recourir à des solutions simples et naturelles. Selon l’ingénieur bio-chimiste Mamadou Cissé, l’utilisation de charbon de bois des arbres fruitiers s’avère une méthode efficace pour débarrasser les aliments des résidus toxiques. «Tremper les aliments dans une eau enrichie de charbon pendant une trentaine de minutes est une pratique à adopter pour limiter les risques», conseille le spécialiste.

Anta CISSÉ

Source : l’Essor

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