Afrique de l’Ouest : La politique française bat de l’aile !

Publié le 10 août
Source : Le Pélican

Depuis trois ans, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et  maintenant le Niger font l’objet  de  coups d’Etat militaires, applaudis par la majorité des populations africaines. 

Alors que la CEDEAO,  dont ces pays  sont membres,  condamne systématiquement   les changements de régime anticonstitutionnels perpétrés par les militaires mais  ferme les yeux sur les coups d’Etat constitutionnels des présidents  civils.

Cette politique de  deux poids, deux mesures de la CEDEAO est également partagée par la France.    Qui, sans être un membre de l’organisation sous-régionale,  lui  ordonne des diktats pour  mettre embargo économique et financier draconien, les pays récalcitrants.  Cette ingérence  constante de l’ancienne puissance coloniale dans la gestion des crises politiques en Afrique, notamment francophone, est de plus en plus mal perçue par la majorité des populations africaines.  Mais pourquoi ce regain  de sentiment anti politique française en Afrique ?   Qu’est-ce que les africains,  en quête de souveraineté,  reprochent à la France ?

Les  causes du rejet de  la politique française en Afrique  sont multiples. Entre autres, on peut citer : le manque de résultat  dans la lutte contre le terrorisme, en dépit de l’impressionnant arsenal militaire que les forces Barkhane, Takuba et Sabre ont déployé pendant une décennie ;   ; une coopération inégalitaire  entre la France et les pays où sévit le terrorisme  ; l’ingérence française dans  gestion  politique et économique des pays d’Afrique.

En effet, c’est en  2013 que la France  va déclencher l’opération militaire Serval dans le but d’un appui aérien et terrestre  des forces armées maliennes pour stopper l’avancée des forces terroristes vers le sud du pays. Plus tard,  cette opération sera remplacée par celle de  Barkhane dont  la mission sera élargie au Niger, au Burkina Faso et au Tchad. Cette mission aura  duré plus de 9 ans,  sans avoir atteindre ses objectifs,  c’est-à-dire : vaincre le terrorisme et ramener la sécurité dans les pays du Sahel. Alors, les régimes africains et les populations,  de plus en plus déçus,  vont  dénoncer le déploiement des troupes  étrangères, en l’occurrence francaises.

En 2022,  le mouvement  de rejet contre cette politique française prend une grande ampleur avec le renforcement de la présence militaire Russe en Afrique de l’Ouest et en République  Centrafricaine. Ainsi, après la déclaration du Premier Ministre du Mali à l’Organisation des Nations Unies, le pays dénonce et renonce à tous les accords de coopération militaire avec la France. Outre les  restrictions diplomatiques (renvoi de leur ambassadeur), les Autorités maliennes vont  suspendre les médias français (la RFI et France 24), taxés de diffusion de désinformation,  sur son territoire.

C’est dans ce contexte que naisse  en 2023,  le  désamour entre le Burkina Faso et France. A son arrivé au pouvoir,  après le deuxième coup d’Etat contre le Col Damiba, le Capitaine Ibrahima Traoré va quasiment imiter le Mali.  Durant une grande manifestation pour soutenir le nouveau Chef d’Etat du Faso,  les manifestant qui ont attaqué l’ambassade de France ainsi l’Institut Français, vont demander aux nouvelles autorités de rompre les relations diplomatiques et militaires avec l’ancienne puissance coloniale. Suite à ces détériorations de coopération, le président  burkinabè entra en contact avec son homologue du  Mali,  pour se rapprocher de la Russie. Dans la foulée, le Pays des Hommes Intègres suspend tous les programmes de RFI en demandant à la France de rappeler son ambassadeur.

Au départ de l’opération Barkhane du Mali qui s’est redéployée  au Niger, des populations nigériennes ont  violemment manifesté contre la présence militaire de la France dans leur  pays. Néanmoins, en accord avec les autorités  de Niamey,  elle va  s’installer. Mais après le renversement du régime de Mohamed Bazoum,  le 26 juillet 2023, la coopération militaire de la France avec le Niger, se dégrade. Car, le nouveau Chef d’Etat du Niger, Général Abdourhamane Tiani va, à son tour,  dénoncer  tous les accords de coopération militaire et de sécurité  que son pays avait précédemment  conclus  avec la France. Quand bien même  que l’état-major français assure  que la France ne partira pas du Niger. Egalement, il met  fin aux fonctions de ses représentants diplomatiques dans l’Hexagone.

Quid des causes économiques ? Les richesses naturelles de l’Afrique subsaharienne sont sauvagement exploitées depuis des décennies  par la France sans qu’elles profitent aux populations locales. Lesquelles font à  la famine, la mal nutrition  et aux  problèmes  de  sous-développement dont  la pénurie d’électricité. Alors que  la majorité des gouvernements d’Afrique francophones font recours  des aides extérieures, notamment francaises, pour financer leurs budgets. Un fait  plus révoltant est que  le Nigéria fourni 70 % de l’électricité au Niger alors que le pays est le 1er producteur d’uranium en Afrique. Pourquoi la France qui a l’exclusivité de l’uranium nigérien n’a pas construit une centrale nucléaire dans ce pays afin qu’il produise de l’électricité à bon prix ?

Boubacar Bani Traoré

 

Autres facteurs de rejet de la politique française en Afrique ? Le  soutien de ses autorités  à aux  présidents mal élus ou qui tripatouillent  leurs constitutions pour se maintenir au pouvoir. Toutes choses qui ont terni  l’image de la France en Afrique. Désormais, l’ancienne puissance coloniale  est en train de perdre sa place au profit de la Russie.  Cette dernière  n’hésite  plus de relancer sa coopération multidisciplinaire  mais surtout militaire  avec les pays d’Afrique de l’Ouest,  notamment avec le Mali, le Burkina Faso.

Boubacar Bani Traoré (Stagiaire),

Spécialiste en Histoire des Relations Internationales et Stratégiques

Source : Le Pélican 10 Août 2023