Mali : Colonel Assimi Goïta, président de la Transition : «J’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix»

Publié le 02 janvier
Source : l'Essor

 Dans son discours à la nation à l’occasion du Nouvel an 2024, le colonel Assimi Goita a dévoilé une nouvelle stratégie dans la recherche de la paix, en donnant ses chances à un dialogue direct inter-malien, piloté par un comité dont le rapport est attendu en février prochain. Par ailleurs, le chef de l’État est revenu sur les réformes engagées par le gouvernement en vue de l’amélioration de la gouvernance et du développement économique et social.

Au cours de l’année 2024, a-t-il assuré, la lutte contre les groupes armés terroristes et les efforts en direction du retour à l’ordre constitutionnel se poursuivront. Texte intégral

Maliennes, Maliens,

Mes chers compatriotes,

Hôtes du Mali,

Je suis particulièrement heureux de m’adresser à vous ce soir, par la grâce d’Allah, à l’entame de la nouvelle année. La traditionnelle présentation des vœux de Nouvel An nous offre l’occasion de faire le point de l’année écoulée pour mieux nous projeter dans la nouvelle année.

Je voudrais tout d’abord, en cette circonstance, exprimer ma compassion à l’endroit de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, affectés par les difficultés du moment. Ma pensée va également à l’endroit de nos forces de défense et de sécurité engagées dans la défense opérationnelle du territoire.

Mes chers compatriotes,

L’année 2023 aura été une année de grands défis pour les autorités de la Transition totalement dédiées à la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la Refondation.

Les réformes sont en cours dans tous les domaines, particulièrement dans les secteurs de la justice, la santé, l’économie et les mines.

Le secteur minier, porteur de grandes opportunités de développement, a été doté d’un nouveau code et d’une loi sur le contenu local. Il ouvre la voie à d’énormes opportunités de développement endogène et à d’importantes ressources budgétaires.

Mes chers compatriotes,

L’État a renforcé l’amélioration de la gouvernance et accéléré l’appui aux entreprises publiques. Il a également poursuivi l’appui au monde rural à travers les subventions sur les intrants et l’aide aux producteurs de coton sinistrés.

L’État a soutenu le financement du secteur privé en fournissant un appui conséquent au fonds de garantie du secteur privé à plus de 100 milliards de Fcfa.

Dans le même temps, le gouvernement a poursuivi ses actions dans différents domaines en vue d’améliorer les conditions de vie de la population et les indicateurs macroéconomiques sont bien orientés malgré les effets de la crise multidimensionnelle.

Les investissements importants sont aussi engagés dans les domaines de la santé et de l’éducation par la construction d’infrastructures, l’acquisition d’équipements et le renforcement des capacités.

L’étude prospective du Mali 2063 avec un phasage décennal a été lancée, afin de doter notre pays d’une orientation et d’une vision claires pour son avenir.

Mes chers compatriotes,

Toutes ces actions déterminantes pour l’avenir de notre pays ont été réalisées grâce à la résilience du peuple malien qui consent d’énormes sacrifices pour le retour de la paix, de la prospérité et de l’autorité de l’État.

Dans le cadre de la pacification durable du climat social, le gouvernement et les partenaires sociaux ont signé le Pacte de stabilité sociale et de croissance, dont l’incidence financière est évaluée à plus de 105 milliards de Fcfa. Ce pacte intègre l’ensemble des réformes administratives, juridiques et institutionnelles contenues dans les recommandations de la conférence sociale.

Il est important de noter que le climat social s’est considérablement apaisé depuis la signature du pacte. Cet apaisement est à l’actif des partenaires dont il convient de saluer le sens élevé de patriotisme.

Les états généraux de la jeunesse qui se sont déroulés du 01 au 22 décembre 2023 ont constitué un moment de retrouvailles et de ferveur qui a permis de faire l’état des lieux des défis de la jeunesse malienne autour de l’essentiel et ont fait de propositions de solutions.

Mes chers compatriotes,

Notre pays est confronté aujourd’hui à une crise aiguë dans la fourniture de l’électricité qui cause des désagréments à la population. Il faut cependant rappeler que cette situation est consécutive à plusieurs années de mauvaise gestion et de manque de vision pour le développement de ce secteur stratégique. Conscientes de l’impérieuse nécessité d’atténuer les souffrances des populations et de trouver des solutions pérennes à cette crise, les autorités de la Transition ont initié des actions sur le court, moyen et long terme.  Ces actions ont concerné l’accélération du renforcement des équipements de production et de transports, le financement d’opérations immédiates, les réformes et l’amélioration de la gouvernance du secteur de l’énergie. Des projets structurants sont lancés avec le concours de nos partenaires.

Mes chers compatriotes,

Les efforts de développement dans lesquels nous sommes engagés resteraient vains si la lutte contre la corruption dans les domaines administratifs et économiques n’est pas menée avec détermination. Aussi, le gouvernement a-t-il entrepris une lutte implacable contre ce fléau. Des actions sont ainsi en cours pour que tous ceux qui sont impliqués dans les actions de corruption répondent devant les instances judiciaires.

Mes chers compatriotes,

La question sécuritaire et la reconquête de l’intégrité territoriale de notre pays ont été et demeurent au cœur des préoccupations du peuple malien.

Je voudrais ici saluer l’engagement et la détermination des FAMa dans la conduite de l’opération Dougoukoloko, conformément à la Résolution n° 2690 de l’ONU, ainsi que le soutien multiforme dont elles ont bénéficié auprès du peuple malien. Il me plait également de saluer les populations qui ont vécu le martyre pendant onze longues années. Je voudrais cependant les inviter au calme et à la modération.  Notre mission n'est pas achevée. Je rappelle qu'elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusive aucune.

C’est aussi l’occasion pour moi de présenter mes condoléances et former les vœux de prompt rétablissement aux victimes civiles et militaires de la tragédie qui a été imposée à notre peuple.

Mes chers compatriotes,

Il faut rappeler que l’opération Dougoukoloko avait pour seul objectif le redéploiement des forces armées sur toute l’étendue du territoire national, suite au retrait de la Minusma. J’invite la population à se donner la main et à éviter les amalgames susceptibles de compromettre le vivre-ensemble.

En vue de recréer des conditions de vie normale, le retour de l’État et des services sociaux de base se poursuit.

Mes chers compatriotes,

L’unité nationale et le vivre-ensemble constituent le socle sur lequel nous devrions bâtir toutes les actions pérennes de développement. Nous sommes à une étape charnière de l’avancée de notre pays vers la paix, la sécurité et le développement.

C’est pourquoi, capitalisant les avancées réalisées dans le cadre du processus de paix, et tirant les enseignements des défis qui demeurent, j’ai pris l’option de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix, en donnant toutes ses chances à un dialogue direct inter-malien pour la paix et la réconciliation, afin d’éliminer les racines des conflits communautaires et intercommunautaires.

Cette décision, que nous avions déjà partagée avec les différents acteurs nationaux et internationaux concernés dès l’entame du retrait de la Minusma, exige de nous, Maliens et Maliennes, que nous nous donnions la main, afin de réconcilier notre pays et assurer la cohésion nationale.

D’ores et déjà, je tiens à souligner que l’unicité, la laïcité de l’État et l’intégrité du territoire ne feront pas partie des sujets de discussion ainsi que les 3 principes qui sous-tendent l’action publique du Mali. Il s’agit en effet de créer les conditions pour que chaque Malienne et chaque Malien puisse s’épanouir dans un environnement marqué par la confiance retrouvée entre les communautés sous la protection de l’État.

Un comité chargé de piloter ce dialogue sera mis en place dans un délai d’un mois et il devra déposer son rapport au plus tard en février.

Cependant, la lutte contre les groupes armés terroristes se poursuivra jusqu’à la pacification totale du pays. Sur aucune portion du territoire national, il ne devrait y avoir de la place pour ceux qui ont décidé d’attenter à nos terres et à la vie de nos populations.

Mes chers compatriotes,

Notre pays a incontestablement posé des actions majeures dans les différents secteurs de la vie nationale. Mais, nous devons rester vigilants, afin de consolider les acquis.

Je voudrais ici remercier l’ensemble des partenaires nationaux et internationaux, qui ont appuyé notre pays dans le domaine sécuritaire. Mes remerciements vont particulièrement à l’endroit de la Fédération de Russie dont le soutien politique et militaire a été déterminant dans les victoires remportées contre nos ennemis. 

Mes chers compatriotes,

Les multiples soubresauts politiques que notre pays a connus depuis l'avènement de la démocratie ont indiqué à suffisance la nécessité de mener des réformes politiques : à l'issue des Assises nationales de la Refondation, véritable exercice de diagnostic, notre peuple a recommandé de mener des réformes politiques prioritaires, avant tout retour à l'ordre constitutionnel.

En toute logique et pour ancrer une véritable démocratie au Mali, nous avons estimé que cette fois-ci, l'ordre constitutionnel, désiré par les Maliens devrait être différent des autres et être apaisé et sécurisé.

En application de cette vision, nous avons réussi collectivement, entre autres, à relire la loi électorale, à créer un organe unique de gestion des Élections «l’Autorité indépendante de gestion des élections» et surtout à adopter une nouvelle Constitution, par référendum, consacrant la 4è République, après tant d'échecs.

Au cours de l'année 2024, les efforts tendant à retourner à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé ne faibliront point.

Mes chers compatriotes,

Dans le cadre du renforcement des relations de fraternité, d’amitié et de solidarité entre les pays confrontés aux mêmes défis, nous avons, en concertation avec les Autorités du Burkina Faso et de la République du Niger, décidé de créer, le 16 septembre 2023, l’Alliance des États du Sahel.  Fondée sur une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle, l’AES est désormais une Alliance qui vise d’une part une intégration politique renforcée, centrée sur l’intégration des peuples, et d’autre part aspire à créer les conditions nécessaires à un développement socio-économique et financier, pour le développement harmonieux du Burkina, du Mali et du Niger, trois États liés par des relations historiques et stratégiques.

Grâce à l’AES, nous œuvrons à réaffirmer notre souveraineté et à redonner un sens aux valeurs de solidarité et de fraternité, si chères à nos populations.

Mes chers compatriotes,

C’est dans ce nouveau contexte que nous allons nous atteler à renforcer notre État pour qu’il remplisse ses missions régaliennes au bénéfice de tous, afin d’édifier une société juste et équitable avec plus d’inclusion sociale et de protection des plus vulnérables.

Pour ce faire, nous devrions demeurer attachés aux valeurs cardinales de notre société qui sont, entre autres, la bravoure, l’abnégation au travail, le respect du bien public et la solidarité.

Mes chers compatriotes,

C’est ensemble que nous allons construire le Malikura, c’est-à-dire un Mali prospère et uni dans sa diversité.  C’est ensemble que nous serons plus forts pour vaincre l’adversité, pour agir efficacement sur notre présent et déterminer en toute souveraineté notre avenir et celui de nos enfants.

C’est donc plein de confiance dans les résolutions que nous avons prises ensemble pour la nouvelle année, qu’à chacune et à chacun de vous, j’adresse mes vœux de bonne santé, de succès et de bonheur.

Bonne et heureuse année 2024 dans un Mali pacifié,

stable et prospère.

Qu’Allah bénisse le Mali

 et protège les Maliens !

Je vous remercie.

Rédaction

Source : L’essor