Salif Keïta dit «Domingo» : La Nation rend un dernier hommage à une légende du football mondial

Publié le 07 septembre
Source : l'Essor

La cérémonie s’est déroulée, hier à la Place du Cinquantenaire et était présidée par le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, en présence de plusieurs membres du gouvernement.

Décédé le samedi 2 septembre à l’âge de 77 ans, Domingo repose désormais au cimetière d’Hamdallaye.

Salif Keïta dit Domingo ou La Panthère noire repose désormais au cimetière d’Hamdallaye en Commune IV du District de Bamako. L’ancien international, sans doute le meilleur footballeur de tous les temps du Mali et d’Afrique a été accompagné à sa dernière demeure par une foule composée de parents, d’amis, d’anciens coéquipiers du Réal de Bamako et de l’équipe nationale et de dirigeants sportifs, toutes disciplines confondues. Mais avant d’être porté en terre, le premier Ballon d’or africain a eu droit à un hommage digne de son statut qui s’est déroulé à la Place du Cinquantenaire.

La cérémonie était présidée par le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, en présence de plusieurs membres du gouvernement, dont le ministre de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction civique et de la Construction citoyenne, Abdoul Kassim Ibrahim Fomba et de deux délégations venues du Burkina Faso et de la Guinée. Le troisième Ballon d’or africain, Chérif Souleymane faisait partie de la délégation guinéenne.

Une tribune centrale et une dizaine de petites tentes éparpillées ont été installés à la Place du Cinquantenaire et plusieurs milliers de personnes ont bravé la chaleur (30°c à l’ombre) pour venir rendre un dernier à Domingo, décédé le samedi 2 septembre à l’âge de 77 ans, des suites d’une longue maladie.

Des portraits géants de la légende du football malien étaient affichés sur le lieu et la cérémonie a commencé avec l’allocution très émouvante des filles de l’illustre disparu, notamment l’aînée Raky Keïta. «Un soir d'hiver à Boston, papa est arrivé à la maison, fatigué bien trop fatigué. Maman a regardé papa inquiète.

Elle a demandé à son mari : Qu'est ce qui ne va pas Général ? Papa s'est confié à maman. Il a dit à maman que le football devenait trop comme un métier et le ballon perdait de sa magie. Quand je dispute mes matches aujourd'hui Fanta loin de la maison, c'est comme si j'étais presque une machine qui fait la même chose tout le temps. C'est avec vous, toi et les filles que je redeviens Salif.

Je veux passer plus de temps avec vous car nos filles grandissent et je les vois trop rarement. Papa et maman se sont assis pour planifier leur avenir ce jour car ils étaient des complices, des amis et surtout des partenaires. Des partenaires qui se battaient tous les jours loin de leur pays, leur famille et leurs cercles d'amis, pour donner un avenir à leurs deux filles.

Papa et maman ont décidé de poursuivre des études pour rentrer armés au Mali», a raconté Raky Keïta. Elle poursuivra : «Et après avoir raccroché les crampons pour entamer un nouveau métier, Papa est devenu notre papa à plein temps et on a découvert que papa n'était pas juste un footballeur exceptionnel. Il avait le don de rendre un simple évènement magique».

Et de continuer : «Tous les jours notre famille se réveillait tôt car on avait du trajet à faire. Et une fois au volant de sa voiture papa sortait sa cassette magique. Je vais vous faire découvrir la plus belle voix au monde les filles : Salif Keïta (le musicien, ndlr). Et quand Salif Keïta se mettait à chanter papa secouait la tête le sourire aux lèvres pour dire : Mon homonyme Salif Keïta fait les louanges du plus grand Roi au monde : Soundiata Keïta.

Qui est l'origine du plus grand Royaume au monde, qui engendra le Roi le plus puissant et riche de tous les temps, Mansa Moussa. Et vous Raky et Séré Keïta vous êtes des princesses de Naréna. Et Séré rigolait et était fière d'être une Princesse.

Soudainement papa se mettait à rire, son rire légendaire pour dire, votre nom Keïta est puissant. Beaucoup de Keïta ont fait de grandes choses». Après ce récit émouvant de la fille aînée de Salif Keïta, ce fut au tour de Mamadou Dipa Fané, ami, frère et compagnon de l’illustre disparu de prononcer l’oraison funèbre dans laquelle il insistera sur le parcours sportif exceptionnel de l’homme, son humanisme et son amour pour le pays

. «Il n'y a pas si longtemps, au détour d'une conversation libre, Salif Kéita confiait à un ami : «À notre âge, on ne peut plus avoir peur de la mort. Il est temps, sans regret, de mettre les voiles, de prendre le vaisseau sans retour pour l'au-delà».

La gorge nouée, Mamadou Dipa Fané renchérira : «il est donc réconfortant, voire gratifiant, de savoir que notre bien-aimé s'était préparé pour affronter, avec philosophie, l'issue inexorable d'existence sur terre. Une belle et poignante leçon de vie que nous lègue l'immortel. Tout au long de sa vie, si bien remplie, Salif nous gratifiera d'autres leçons de vie inoubliables.

Le talent de cet incomparable génie du football sera sans doute brillamment conté par d'autres voix autorisées. Je voudrais, pour ma part, me limiter à la dimension d'un homme que l'Histoire retiendra au-delà de toutes les contingences dérisoires, un homme d'une envergure exceptionnelle, avec ses qualités et bien sûr ses limites. Qui sommes-nous pour nous juger les uns les autres; qui sommes-nous pour juger un être d'exception que fut Salif ? ».

Pour conclure, Mamadou Dipa Fané dira : «Il avait une grande soif de ses amis, les vrais, ceux dont la sincérité est indiscutable. Salif avait souvent été un incompris. À cause d'une pudeur qui lui collait à la peau, à cause d'une méfiance maladive qui l'a toujours tenaillé, Salif avait l'expression rare, rare certes, mais pas difficile.

Quand il avait un projet en tête, il déployait un trésor d'énergie pour atteindre ses objectifs. Oui, bien sûr, nul n'est parfait. Salif, comme chacun de nous, pouvait avoir des limites, des limites inhérentes à la nature humaine. Des limites sur le plan de la vie sportive comme sur le plan de la vie de tous les jours. Il ne serait donc pas bienséant de procéder à un quelconque audit d'une vie aussi immensément riche et exemplaire. L'heure est plutôt au recueillement et contenir la douleur qui nous étreint tous aujourd'hui».  Après la cérémonie d’hommage, Salif Keïta a été conduit au cimetière d’Hamdallaye, le cercueil couvert du Drapeau national. C’est là que repose, depuis 2003, son épouse Fanta Oulé Kaba (au lieu de Fanta Diallo comme nous l’avons écrit par erreur dans une précédente édition).

Les autorités de la Transition ont annoncé qu’une cérémonie sera organisée pour immortaliser Salif Keïta.

Dors en paix, Domingo !

Seibou Sambri Kamissoko

Source : l'Essor