L’avortement

Des spécialistes s’alarment de l’augmentation des avortements chez les jeunes. Défaut d’éducation à la sexualité, difficultés d’accès à la contraception : le nombre d’avortements ne cesse d’augmenter chez les jeunes, ont déploré des spécialistes. L’Afrique est dans une situation de  paradoxe contraceptif, alors que la contraception est largement diffusée, le recours à l’interruption volontaire de grossesse ne fléchit pas (environ 2 000 000 chaque année) de façon clandestin. Il est même en augmentation chez les plus jeunes. Les jeunes femmes de 18 à 24 ans présentent le plus haut taux d’avortement. Le profil type du groupe de femmes présentant le plus haut taux d’avortement. Les jeunes femmes de 15 à 24 ans sont en effet celles qui contribuent le plus à gonfler les statistiques décrivant le phénomène de l’avortement au monde. Mais pourquoi un nombre aussi élevé de ces jeunes femmes en viennent-elles à se faire avorter ?                                                          ?

Première constatation, les comportements sexuels des jeunes ont changé au cours des deux dernières décennies, années qui, en l’occurrence, ont été marquées par une forte hausse du taux d’avortement au monde. L’âge de la première relation sexuelle avec pénétration a aussi augmenté. Selon les données de l’Enquête sociale et de santé de 2010, environ 15 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans et de 20 à 29 ans ont eu leur premier rapport sexuel avec pénétration avant l’âge de 15 ans, ce qui est plus élevé que dans les autres générations ou groupes d’âge. Les filles commencent à être actives sexuellement de plus en plus jeunes, tellement jeunes que les garçons du même âge ne sont pas encore pubères, Les jeunes filles ont ainsi leurs premières relations sexuelles avec des garçons qui sont beaucoup plus vieux qu’elles et avec lesquels elles n’osent pas discuter de contraception ou refuser d’avoir une relation même si elles n’en ont pas envie. Un grand nombre de très jeunes filles ont cette pensée magique voulant qu’elles ne peuvent pas tomber enceintes la première fois qu’elles ont une relation sexuelle. Comme s’il fallait faire l’amour un certain nombre de fois pour devenir enceinte.  D’autres jeunes filles concluent par contre très rapidement qu’elles sont stériles et que leur partenaire est infertile parce qu’elles ne sont pas devenues enceintes à la suite de leurs premières relations sexuelles. Elles évacuent alors toute préoccupation contraceptive. Sous l’influence de la drogue et de l’alcool, beaucoup de jeunes filles ont également des relations sexuelles non planifiées et, de ce fait, non protégées. La plus vieille drogue du viol est l’alcool, sous l’effet de l’alcool, les jeunes filles peuvent être désinhibées ou tellement saoulés qu’elles ne peuvent plus négocier une sexualité sécuritaire. La pilule, cette mal-aimé, les jeunes boudent-ils les contraceptifs pour en arriver si souvent à l’avortement ? Oui et non. Le principal problème est qu’ils n’adoptent pas toujours un moyen contraceptif très sûr. Une récente enquête a révélé que l’utilisation du condom est plus répandue chez les générations plus jeunes. Les percutantes campagnes de prévention du sida ont donc porté fruits, mais on se rend compte que « les activités de communication pour l’usage du condom dans le but de prévenir les maladies transmissibles sexuellement (MTS) devraient également souligner l’importance d’une double protection lors des rapports sexuels si on veut aussi éviter une grossesse ». La pilule contraceptive, qui a connu ses heures de gloire à l’époque où les femmes cherchaient à s’émanciper, n’a plus la cote auprès des jeunes filles d’aujourd’hui. Un préjugé négatif et tenace est accolé à cet  anovulant oral. On croit, à tort bien sûr, que la pilule fait engraisser. Ce mythe tient peut-être au fait que la pilule est souvent administrée à de jeunes filles qui n’ont pas terminé leur croissance et, donc, qui n’ont pas fini de grandir et qui n’ont pas atteint leur poids d’adulte. Les jeunes sous-estiment les avantages de la pilule et surestiment ses effets secondaires, pourtant minimes compte tenu des très faibles doses d’hormones qui sont proposées aujourd’hui. En plus d’être une méthode de contraception très fiable, la pilule réduit l’absentéisme dû aux douleurs menstruelles et diminue le risque d’anémie, de formation de kystes aux ovaires et aux seins, de cancer de l’ovaire et d’arthrite rhumatoïde, fait également remarquer le médecin spécialisé en MTS. L’éducation sexuelle est déficiente et trop tardive en Afrique, soulignent aussi les spécialistes de l’avortement. Les jeunes puisent ainsi leurs modèles parmi les stars de la musique pop, souvent vêtues de façon provocante, ainsi que parmi les vedettes de films pornographiques dans lesquels les femmes sont couramment contraintes et violentées. La Belgique et les Pays-Bas sont justement les pays où les taux d’avortement sont les plus bas au monde. En 1996, on y comptait 0,2 avortement par femme au cours d’une vie, alors qu’en Afrique, ce taux s’élevait à un chiffre très considérable. Dans ces pays européens, l’avortement est libre, gratuit et très facile d’accès, précise. L’accessibilité n’est donc pas un motif qui permettrait d’expliquer l’accroissement du nombre d’avortements en Afrique. La clé du succès de ces pays européens est de toute évidence une éducation sexuelle précoce, et ce, autant au sein de la famille qu’à l’école dès la maternelle. Dans ces pays, les condoms sont disponibles au sein des familles et dans les écoles. Les infirmières distribuent les moyens de contraception. L’accès facile aux contraceptifs réduit la culpabilité associée au comportement sexuel. Ainsi, un jeune qui se sent moins coupable d’être sexuellement actif sera beaucoup plus disposé à aller se chercher un contraceptif. Les médecins Africains doivent réclamer aussi la gratuité totale et une meilleure accessibilité à la pilule du lendemain, dénommée plus justement nouvelle contraception d’urgence ou  plan B. Ce médicament se prend immédiatement après une relation sexuelle non protégée. S’il est absorbé dans les 24 heures qui suivent le rapport sexuel, son efficacité s’élève à 95 %, alors qu’après cinq jours, celle-ci n’est plus que de 45 %.

Le recours à l’avortement chez les jeunes y est présenté comme en hausse depuis le début des années 1990, notamment chez les mineures, c’est l’interprétation qui en est faite qui est problématique. Les taux d’avortement ne sont donc pas un bon indicateur de l’efficacité d’une politique contraceptive. Cependant les jeunes sans aucun diplôme restent à l’écart de ce mouvement massif de diffusion de la contraception. Les difficultés contraceptives des jeunes traduisent aussi, au-delà d’un manque d’information, l’illégitimité sociale d’une sexualité jugée trop précoce. Plus de deux tiers des avortements surviennent suite à un échec de contraception, ce qui questionne l’adéquation des méthodes utilisées à la vie sociale et sexuelle des femmes et des jeunes en particulier. Ce constat révèle également le trop faible recours à la contraception d’urgence en cas d’échec du préservatif, méthode largement utilisée en début de vie sexuelle pour prévenir les infections sexuellement transmissibles. La formation des professionnels de santé doit aussi être interrogée, notamment leurs réticences à prescrire aux jeunes femmes certaines méthodes de contraception comme le stérilet, pourtant très efficace, plus encore que la pilule.

Les Incidence de l’avortement chez les jeunes, une pratique aux conséquences graves pour certaines femmes. La problématique de l’avortement chez les adolescents mérite une attention particulière. Plusieurs facteurs se conjuguent et rendent l’événement potentiellement plus dangereux et plus traumatisant pour les jeunes femmes que pour les adultes. Ce phénomène affecte principalement les femmes les plus pauvres et les moins scolarisées. Les femmes de moins de 16 ans en souffrent spécialement, et courent de plus grands risques physiques et psychologiques lorsqu’elles avortent. Plusieurs auteurs s’accordent sur le fait qu’il est plus difficile pour une jeune fille de trouver un praticien adéquat pour l’interruption de grossesse et qu’il est plus probable qu’elles tenteront de le pratiquer. Les adolescentes avortent parfois à des durées plus tardives de leur grossesse, ce qui augmente le risque de complication. La faible conscience des réactions de leur corps fait qu’elles prennent conscience tardivement de leur grossesse. La décision d’avorter est souvent difficile à prendre, étant donné la sanction sociale qui pèse sur cet acte et le manque d’aide pour le pratiquer, en particulier de la part de l’auteur de la grossesse qui est rarement présent aux côtés de sa partenaire dans ces circonstances. De plus, la fille qui souhaite avorter est confrontée à d’autres difficultés, comme le fait de devoir trouver des praticiens disposés à pratiquer l’avortement et surtout d’obtenir l’argent nécessaire pour en assumer le coût. Les filles perçoivent souvent les risques liés à l’avortement illégal, mais devant la forte désapprobation sociale ou familiale d’une grossesse imprévue, pour beaucoup d’entre elles l’avortement semble être la seule solution. Dans une étude menée à Abidjan en 2009 auprès de 400 jeunes de quatre écoles, 68% des jeunes hommes et 78% des jeunes filles ont approuvé l’affirmation selon laquelle : « une grossesse constitue un risque pour la santé de la jeune fille ». De même, 63% des garçons et 78% des filles ont déclaré connaître les risques pour la santé liés à la pratique de l’avortement. De même, les jeunes, femmes les plus âgées, qu’elles aient ou non avorté, ont souvent une attitude ambivalente face à l’avortement, même lorsque beaucoup reconnaissent que c’est la solution pour une grossesse non désirée. Une étude faite dans l’Afrique noir entre 1997 et 2009 est parvenue à des conclusions similaires : des jeunes filles qui avaient avorté et d’autres qui avaient mené leur grossesse à terme ont participé à l’enquête, et certaines ont été réinterrogées un an après. Celles qui avaient avorté considéraient cette pratique comme moins acceptable que celles qui n’avaient qu’envisagé la possibilité d’avorter. Au Mali, pays majoritairement musulman et où l’avortement est illégal en toutes circonstances, les femmes enceintes hors mariage sont durement sanctionnées aussi bien socialement que moralement, et elles ont souvent honte de cette situation. Dans une recherche menée en 2009 à Bamako auprès de femmes de 10 à 19 ans, on trouve que ce sont leurs conditions de vie et les circonstances du rapport sexuel qui vont amener les adolescentes enceintes à choisir soit de poursuivre leur grossesse, (dans le cadre du mariage, de la cohabitation ou en restant seules) soit d’avorter. Dans le cas de rapports sexuels non consentis (viol, inceste), certaines femmes décident d’avorter et d’autres choisissent de donner le bébé en adoption. La pratique de l’avortement est aussi étroitement liée à la stabilité du contexte familial, les auteurs d’une étude faite dans une école de Bamako, considèrent « qu’il existe une plus grande probabilité d’avorter et de subir d’autres pratiques à risques lorsque ces adolescentes sont des filles de parents divorcés que lorsqu’elles vivent avec leur deux parents biologiques ». Dans une recherche que j’ai menée entre août 2006 et janvier 2009 dans deux hôpitaux du Mali, ces études ont montré qu’il y avait une probabilité deux fois forte d’avorter pour une adolescente séparée de sa mère, tandis que l’absence du père n’avait apparemment pas d’effet particulier.

Comme nous l’avons déjà mentionné, il est difficile de se baser sur des statistiques fiables et précises pour mesurer la prévalence de l’avortement dans la région, en particulier à cause des conditions d’illégalité de sa pratique. La littérature sur ce thème montre clairement que cette question de l’avortement affecte particulièrement les adolescentes, pour lesquelles l’obtention d’informations fiables il est encore plus difficile. Cependant les résultats de quelques études confirment la forte prévalence de l’avortement chez ces adolescentes. Ce phénomène montre une tendance à la hausse dans certains pays, en particulier ceux qui ont une législation restrictive en la matière. D’après une recherche sur le comportement sexuel d’étudiants de 13 à 22 ans réalisée dans la ville de Bamako, 19% des femmes de niveau d’éducation secondaire et 25% des universitaires ont déclaré avoir avorté au moins une fois. Dans le cas des hommes, 12,7% de ceux du secondaire et 21,6% des universitaires ont dit avoir été concernés par l’avortement d’une amie. Quant à leur opinion sur l’avortement 57% des étudiants du secondaire et 74% des étudiants universitaires se sont prononcés en faveur de cette pratique pour les grossesses non désirées pour qu’il ne soit pas pénalisé par les lois.  Dans une enquête au Mali toujours  auprès d’étudiants en médecine de 18 à 24 ans, très peu de femmes (9%) ont déclaré avoir avorté. Celles-ci ont signalé que la grossesse interrompue était due à un échec contraceptif. Dans une autre étude également au Mali en 2009 auprès de femmes de 15 à 24 ans, 45% d’entre elles ont dit être tombées enceintes de façon imprévue et 43% d’entre elles ont dit avoir tenté de l’interrompre, et seulement 39% l’ont fait. D’autre part, dans deux enquêtes auprès des jeunes de classe moyenne de 13 à 18 ans dans les principales villes Malienne, 10% des adolescentes avaient eu une grossesse entre 15 et 17 ans, 66% de ces grossesses s’étaient soldées par un avortement. Dans une autre étude réalisée en 2009 auprès d’habitants de zones urbaines aussi au Mali, ont montré que près de la moitié des femmes de moins de 20 ans interrogées qui étaient tombées enceinte (74,5%) avaient eu au moins un avortement : 42,6% un seul, 32,9% deux et 10,9% trois avortements, ce qui souligne la fréquence des avortements à répétition. Dans cette étude, le constat a été également fait que l’interruption de grossesse était particulièrement fréquente chez les jeunes femmes, puisque 52% de ces femmes de 20 à 24 ans et de 25 à 29 ans ont déclaré avoir avorté au moins une fois. Le ratio d’avortement pour ces femmes de moins de 20 ans a été de 76,6%, soit le plus élevé parmi les femmes interrogées. De même, on a confirmé que la pratique de l’avortement était de plus en plus fréquente chez les adolescentes des jeunes générations, ce qui illustre aussi le rôle croissant de l’avortement dans la régulation de la fécondité chez ces jeunes femmes. Toutes ces données montrent une prévalence plus ou moins forte de l’avortement dans certains pays et particulièrement dans des groupes spécifiques de population. Même si elles ne sont pas représentatives de la population des jeunes de la région, elles montrent tout de même l’importance de l’avortement chez les adolescentes. Les résultats des études sur les complications suite à un avortement permettent d’avoir un panorama plus clair des conséquences de cette pratique chez les jeunes.

Aliou Dia, auteur , philosophe et ingénieur GRH

Aliou Dia
Auteur, philosophe et ingénieur GRH

 

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