Le grand homme est comme le reflet du tout de l’être, interprétable à l’infini. Et son apparition dans le monde est en même temps une percé dans le monde, soit comme la belle lueur d’un achèvement, soit comme échec tragique. La grandeur est pour moi quelque chose d’universel, mais dans ce qu’une personnalité unique a d’historiquement irremplaçable, tout ce qui n’est qu’universel est comme tel fini parce que saisissable, abstrait parce que pensé.
Mais cet irremplaçable n’a pas encore la grandeur en tant qu’individus dans sa particularité singulière, la grandeur ne réside dans cet irremplaçable que lorsqu’elle conquiert un caractère objective par le moyen d’une réalisation, d’une œuvre, d’une action, d’une création, et quant, dépassent tout cela, elle devient vérité pour tous, avec le caractère de ce qui n’est qu’une fois. La grandeur suppose que ce qui est universellement valable prenne une forme historiquement personnelle, seule l’unité de l’individu personnel avec la généralité objective confère la grandeur.
Si la grandeur ne réside pas encore dans les réalisations, si les actions, les inventions, les résultats de la recherche, les belles images, les beaux vers et la virtuosité ne signifient pas encore grandeur, en un mot, si tout ce qui est objectivement saisissable et démontrable n’a pas encore la grandeur, c’est alors qu’elle est, parce que sans critère contraignants, un mystère qui se révèle.
Dans notre effort pour nous délivrer de nos limites, nous cherchons des hommes qui soient plus que nous-mêmes, nous cherchons les meilleurs, tandis que nous devenons conscients de notre petitesse, et qu’en même temps nous faisons par les Grands l’expérience de l’exigence absolue, nous dilatons les frontières des possibilités humaines. La grandeur est là ou, dans le respect et la clairvoyance, nous apercevons ce par quoi nous devenons nous-mêmes meilleurs. Des grands hommes émane une force qui nous fait croître par notre propre liberté : ils nous comblent par le monde de l’invisible, dont ils découvrent et font apparaître les figures, dont ils nous rendent perceptible le langage. Celui dont je vois la grandeur me révèle ce que je suis. Comment je vois la grandeur et comment j’entre en commerce avec elle ?, c’est là ce qui me révèle à moi-même. Plus pure est la volonté et plus véridique la pensée, plus clairement me parlent la volonté et la vérité des Grands. C’est grâce aux possibilités de ma propre nature que je puis percevoir la grandeur.
La vénération des grands implique le respect de tout être humain. Seul celui qui respecte l’homme est capable de voir aussi la grandeur incarnée dans le monde actuel, telle qu’elle est donnée à ce temps-ci. Donc la grandeur n’existe pas encore quand le quantitatif nous étonne, quant nous percevons pour ainsi dire à la mesure de notre impuissance la puissance de ceux qui nous dominent. Nous ne voyons pas non plus la grandeur quand notre instinct de soumission nous prive de notre responsabilité, quand un désir d’esclavage trouble notre regard et s’invente un.surhomme.
Nous ne voyons plus la grandeur quand nous nous contentons d’investigation et d’enquête. Elle disparaît alors dans l’espace de la science psychologique et sociologique. Erigés en absolu, la pensée psychologique et sociologique rendent aveugle à la grandeur.
« Si loin qu’atteigne le souvenir de l’histoire, la grandeur a toujours été honorée dans certains hommes », grands sont les chefs des temps primitifs, grands les rachis mythiques de l’Inde, qui ont eu part aux révélations, grands sont les noms des premiers penseurs Indiens (Kapila, Sakkya), les fondateurs des anciens temps en Chine, les sages de l’Egypte et aussi de la Mésopotamie. Historiquement, au sens d’une facticité empirique, ils sont complètement insaisissables. Ce sont des figures de guides dans les domaines de la religion, de la pensée, des mœurs, de la politique, de l’invention, et de la technique à la fois. A leur suite viennent les personnages historiques réels, avant tout ceux de l’Ancien Testament, des Grecs et des Romains, puis quelque Chinois et des Indiens isolés, qui furent reconnus grands et présentés aux regards comme porteurs du bien et comme modèles.
La grandeur apparut d’abord comme un simple fait. Mais dès les poèmes homériques, les grands hommes devinrent un thème de réflexion. Héraclite prononça : « un seul homme en vaut pour moi dix mille, s’il est le meilleur».

Aliou Dia
Auteur, philosophe et ingénieur GRH
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